« Ce
qui, dans le scepticisme, fonde l’anthropologie, c’est donc l’affirmation selon
laquelle l’esprit de l’homme est régi par les lois de l’instinct animal. Or
c’est la critique de la religion, tant naturelle que positive, qui conduit
Montaigne ou Hume à l’instinctivisme. Plus précisément, l’attribut de la toute
puissance divine produit de si graves perturbations dans le concept de raison
qu’il n’est plus en mesure de porter la définition de l’homme (…). Ce que nous appelons raison n’est que
fantaisie, et c’est pourquoi la croyance constitue seule l’élément dans lequel
l’homme évolue. Avec Montaigne, la croyance devient irréductible aussi bien à
l’opinion qu’à la foi et au savoir. Ainsi
donc la critique de la théologie destitue la raison au profit de la croyance,
ce qui revient à faire de l’homme un être qu’aucune instance absolue,
susceptible d’être appréhendée rationnellement, n’ouvre à la
transcendance ».
Frédéric Brahami, Le travail du scepticisme, PUF, Paris, 2001, p. 11.